Célébration du Bois
Avant d'être écrivain, j'ai essayé d'être peintre.Je ne rédige pas ce texte pour parler de moi et je n'ai pas à donner les raisons de mon choix: simplement je dois dire que je tiens la peinture comme le plus ingrat et le plus difficile des arts. La page blanche n'est rien comparée à la toile vierge. Un jour que j'étai s trop pauvre pour acheter une toile, je suis parti dans mon grenier à la recherche d’une « surface plane à recouvrir de couleurs en un certain ordre assemblées». J’avais déjà barbouillé tous les vieux almanachs des P.T.T et je ne découvris qu’une planche poussiéreuse. Je lavai la planche et l’emportai dans mon atelier. Le lendemain matin, je disposai les couleurs sur ma palette. Ce seul travail était déjà ce qu’un athlète appelle une mise entrain. La couleur grasse qui sort du tube est une matière presque vivante et il y a dans sa manipulation quelque chose d’excitant. Mais ce jour là l’émotion changea de nature au moment où mon pinceau s »approcha de la planche à couvrir. Ma main demeura en suspens…
Panneau d’un buffet ou d’un vieux lit, ce rectangle de bois avait été débité au cœur même d’un châtaignier dont toute la vie de lutte était racontée là merveilleusement.
Un rire amer me monta dans la gorge. Une envie de me regarder dans un miroir en me montrant du doigt.
Mais en quel homme pouvait naître une telle ambition ? qui pouvait avoir l’orgueil de faire mieux que la terre, le ciel, la pluie, le vent et le Bon Dieu ? Qui donc pouvait espérer qu’une force assez grande l’habiterait un jour pour guider sa main avec tant de génie ?
…Sans regarder la vieille planche posée sur mon chevalet, j’imaginais une vie secrète au cœur de l’arbre. Minute après minute, durant un ou deux siècles peut être tous les éléments de la nature avaient travaillé à cette composition que ma main avait été sur le point de détruire. J’imaginais les efforts unis, les combats sans merci, le ciel qui crève sous l’orage, le vent qui s’acharne et le soleil qui durcit l’écorce, et craquelle le sol. Cette vie, il me semblait la sentir en moi, et j’eux un instant envie de me coucher sur la terre pour l’étreindre comme font les arbres de leurs racines en fouillant son sein.
J’ai voulu aussi vers le même temps sculpter le bois. Là non plus je n’ai jamais pu me réaliser comme je l’eusse souhaité. J’avais espéré que le bois me prêterait sa force, j’allais bien vite m’apercevoir qu’il m’imposait sa volonté.
Extrait de Célébration du Bois par Bernard Clavel aux éditions Robert Morel
Avez-vous fait l’expérience d’étreindre un arbre ? De fermer les yeux et « d’écouter » battre son cœur ? Une idée farfelue ? Une drôle d’expérience en tout cas que j’ai faite pour la première fois au Brésil. L’arbre était très haut, j’ai posé ma joue sur l’écorce et j’ai ressenti un bien être indéfinissable. Chaque fois que je vais en forêt je « choisis » un arbre. Et vous ?
Le mois prochain nous célébrerons les cailloux