Mon esprit est un kaléidoscope
Fascinée par ce petit cylindre, j'ai un jour fait le rapprochement entre le kaléidoscope et le fonctionnement de mon esprit....
De Kaleis : beau, leidos : aspect, skopein : regarder.
N’est-ce pas admirable que ce petit cylindre de carton, qui arrive à captiver notre imagination à travers la chorégraphie de ses multiples fragments de miroirs multicolores, fascine autant l’enfant que chacun porte en soi, puisque le kaléidoscope reflète le jeu de notre conscience-miroir-de-soi-miroir-du-monde.
-une pulsion du poignet et les fragments compose un ordre éblouissant….
-une autre impulsion et les morceaux transforment en désordre l’ordre des origines,
-mais une impulsion et les morceaux palpitent, composant un nouvel ordre, une nouvelle forme de percevoir….
Notre esprit est ce kaléidoscope : la vie nous conduit au travers de sa constante transformation, au travers de laquelle nous « mourrons et renaissons » chaque fois que notre perception a besoin de nous transporter dans ce labyrinthe de changements, que nous nous accordons aucun temps « mort » du fait que tout évolue sans cesse.
Avoir confiance dans le mouvement, accepter d’évoluer, « danser » avec lui : c’est le grand défi lancé par la vie à nos émotions qui ne résistent pas à s’attacher, à vouloir maintenir ce qui advient, à tenter de fixer quelques formes pour faire durer une relation, que ce soient des objets ou des espaces, sur lesquels nous projetons des sentiments de sécurité, de paix, de beauté, ou de force.
Qu’il est difficile pour nos esprits, d’accepter de cheminer en compagnie de la marche kaléidoscopique de la vie ! ! !
Retournons à l’étymologie du mot Kaléidoscope :
Ka dans la culture égyptienne représente :
-les forces qui animent l’ordre universel,
-le réservoir des forces vitales qui donnent l’origine à la vie,
-la force universelle continue, génitrice, interactive et indifférenciée.
Sous l’influence d’une émotion, d’un effet subjectif de notre perception nos pensées se disloquent, se dispersent. L’ « ordre » qui orientait avant notre monde intérieur semble se défaire, ce qui avant nous paraissait ordonné, se transforme en chaos désordonné, ce qui était avant présence, devient maintenant absence.
Il nous faut beaucoup de temps pour accepter ces changements en nous, pour percevoir malgré cela une cohérence, afin de retourner au centre de nous même, pour recomposer notre référentiel de vie.
Comme nous tous j’ai vécu d’innombrables fois cette douleur de la déstabilisation de mes croyances personnelles.
J’ai cherché incessamment dans ces moments là un moyen de « contenir mes morceaux » de ne pas exploser, imploser, de me défaire en mille morceaux.
Mon premier réflexe fut de tenter de me libérer des pensées « parasites », négatives, créant un vide dans mon mental par une attitude physique : aérobic, gymnastique intensive…
Mais tout au contraire ma dispersion mentale se nourrissait de ma volonté de dispersion : fuir le mental par le physique créa donc plus de dispersion en moi.
Cette expérience m’a dirigée vers des méthodes plus introspectives, comme la méditation ou le gi gong.
J’ai pu ainsi créer un vide dans mon esprit. Mais où étaient mes pensées à ce moment là ? Quelque part en moi-même attendant la fin de ma méditation pour déborder de nouveau dans mon mental les instants suivants……
Il me vint alors l’idée de réaliser exactement l’inverse, c’est à dire :
Me concentrer sur ces fragments dispersés à moi et en moi, non pour les contenir comme avant mais pour les dissoudre, les absorber chaque fois plus en moi même, laissant que leur ordre propre me guide vers leur acceptation, par la révélation de ce même ordre, ignoré, craint, rejeté par moi, en moi.
J’ai renoncé à lutter contre eux à tenter de leur imposer ce que je pensais que je devais être et commençais à apprendre avec eux ce qu’ils signifiaient que j’étais.
Pour concrétiser cela j’ai commencé à utiliser la méthode qui consiste à réaliser des collages soit :
Chaque fois que je me sentais fortement déstabilisée par une émotion je rassemblais des journaux et des revues au hasard, déchirais les images ou légendes qui attiraient mon attention sans me focaliser spécialement sur aucune d’elles, sans leur attribuer aucune signification particulière.
Par conséquent sur l’effet d’une forte émotion déstabilisante je m’imposais à moi même cette méthode de travail : déchirer, retirer de son contexte initial l’image qui attirait mon attention, sans censure, sans choisir, ni rejeter en essayant ensuite de les réunir par points communs : me guidant par les couleurs ou les formes.
Je commençais le collage avec un premier morceau et ensuite en augmentant la cadence du collage les morceaux suivants selon l’intuition des ressemblances, l’harmonie des tons, le relevé des formes qui s’est dessiné et guidera les suivantes.
Le support initial a été une feuille de papier à dessin mais ensuite je suis arrivé à travailler sur un papier d’emballage ondulé qui nécessite bien plus d’attention ( a-tension) plus de patience.
Quand au geste il est plus mécanique que rationnel, il est compulsif, sans aucune pause entre deux mouvements comme la dynamique du kaléidoscope des images de la vie, qui ne s’attarde à aucun point particulier.
Chaque collage a été réalisé sous l’emprise d’une tension émotionnelle : pleurs, angoisse, colère, anxiété, nervosité, mais aussi euphorie.
La fin du collage s’annonce pour moi quand l’émotion qui l’a initiée arrive à son terme, que je commence à me sentir en paix avec moi même.
Un collage dure en moyenne de quatre à cinq heures d’affilée, le point final est l’ultime morceau de papier collé représentant l’ultime fragment « d’émotion recollée ».
Ensuite je me sens envahie par la sensation d’avoir vidée ma tension physique, ma tête est alors vide ! !
La contemplation de l’œuvre réalisée est toujours une surprise, une révélation, mon angoisse, ma peur, ma colère s’en sont allé là devant moi, éparpillés, réfléchis, recomposés sur le papier, transformés en métaphore, représentés par des souterrains, des chemins, des fenêtres, des abîmes, des visages grimaçants, des gestes..
Au travers du collage, les fragments dissolvent ainsi ce qui les empêcherait de se recomposer dans mon esprit, l’esprit « donne » sa réunion qui se traduit en moi par un sentiment de paix.
Au delà d’être un processus cathartique, miroir du miroir kaléidoscopique de soi, le collage est indiscutablement un art, dans le sens que quelqu’un qui e sent attiré, appelé par cette voie, découvrira peu à peu l’énorme force esthétique que cette technique véhicule.
Fruit d’une expression venue du plus profond de nos émotions, des tripes comme on dit, le collage parle la langue intuitive de nos inconscients et les cadres produits par une pratique du collage sont très appréciés des amateurs des arts virtuels.
Mon objectif actuel est bien sur de partager ces œuvres réalisées, cet art que le collage m’apporte, par des rencontres et des expositions mais c’est aussi de permettre que d’autres personnes intéressées par ce moyen d’auto-connaissance « artistico-catarthique » puissent apprendre à le pratiquer , puissent s’initier à ce voyage vertigineux qu’est le kaléidoscope de soi même, au cours des ateliers formation où je place mon expérience à la disposition des personnes qui désirent se lancer dans ce voyage pictural à l’intérieur de soi.
BBARATEAU 2000