Quand l'attention devient une attente

Publié le par Trèflerèle

 

 

Mais comment l'avenir, qui n'est pas encore, peut-il s'amoindrir et s'épuiser?

Comment le passé, qui n'est plus, peut-il s'accroître, si ce n'est parce que dans l'esprit, auteur de ces transformations, il s'accomplit trois actes: l'esprit attend, il est attentif et il se souvient.

L'objet de son attente passe par son attention et se change en souvenir.

Qui donc ose nier que le futur ne soit pas encore? Cependant l'attente du futur est déjà dans l'esprit. Et qui conteste que le passé ne soit plus?

Pourtant le souvenir du passé est encore dans l'esprit. Y a-t-il enfin quelqu'un pour nier que le présent n'ait point d'étendue, puisqu'il n'est qu'un point évanescent? Mais elle dure, l'attention par laquelle ce qui va être son objet, tend à ne l'être plus.

Ainsi ce qui est long, ce n'est pas l'avenir: il n'existe pas. Un long avenir, c'est une longue attente de l'avenir. Ce qui est long, ce n'est pas le passé, qui n'existe pas davantage.

Un long passé, c'est un long souvenir du passé. Je veux chanter un air que je connais : avant de commencer, mon attente se porte sur l'air pris dans son ensemble.

Lorsque j'ai commencé, tout ce que j'en laisse tomber dans le passé vient charger ma mémoire. L'activité de ma pensée se partage en mémoire par rapport à ce que j'ai dit et en attente par rapport à ce que je vais dire. Cependant c'est un acte présent d'attention qui fait passer ce qui était futur à l'état de temps écoulé.

Plus se prolonge cette opération, plus l'attente est abrégée et plus la mémoire s'accroît, jusqu'au moment où l'attente est complètement épuisée, l'acte étant terminé et passé tout entier dans la mémoire.

Et ce qui a lieu pour l'air pris dans son ensemble a lieu pour chacune de ses parties, pour chacune de ses syllabes, et aussi pour un autre acte plus étendu dont cet air n'est peut-être qu'une petite partie.

Il en est de même de la vie entière de l'homme, dont les actions humaines sont autant de parties, et enfin de la suite des générations humaines, dont chaque existence n'est qu'une partie.


Saint Augustin - Confessions

 

Publié dans réflexions

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