Pourquoi joue t-on?
À la balle, aux cartes, contre un ordinateur ou un partenaire, les occasions de jouer sont nombreuses. Mais pourquoi jouer ?
Premier argument : le plaisir. Jouer, c’est jouir. On s’amuse à se passionner pour des trucs débiles. Y’a-t-il eu touche ?
dois-je acheter un quatrième hôtel rue de la Paix ? y’a-t-il encore de l’atout dans le jeu ? Combien j’ai tué de strem (monstre en argot)?
Second constat : jouer, c’est à la fois blaguer et s’entraîner. L’enfant qui joue à tirer sur ses copains le fait à la fois pour
rire et le plus sérieusement du monde : il les vise vraiment. Qui sait si un jour il tirera pour de vrai ?
Les enfants (d’homme et d’animal) ne jouent pas pour s’amuser. Le prédateur privé de jeux de jeunesse se trouverait incapable de
bondir, de mordre, de chasser tout simplement. Il ne ferait pas long feu, ébaucherait quelques gestes, si peu et si mal ! Faute d’exercice, de simples potentialités n’auront pas le temps de
devenir des gestes assurés. Une aptitude s’acquière en répétant des gestes jusqu’à les parfaire. Inlassablement. Le jeu amuse parce qu'il permet de s'améliorer. Il faut se donner quantité
d’occasions d’échouer ou de réussir pour éprouver une véritable joie. Si d’aventure la faute n’est plus permise un jour, le geste sera devenu sûr pour avoir été répété dans le plaisir. Il est
donc sage de jouer, parce que le plus pressant besoin est de se gouverner, d’acquérir une véritable maîtrise en exerçant son corps et son esprit à agir le mieux possible.
Dans la plupart des jeux la défaite est plus sûre que la victoire. Bien qu’on espère s’en sortir, on ne joue pas vraiment pour gagner. On joue pour perdre ! On joue à la vie à la mort, mais surtout à la mort. Même aux échecs il s’agit de tuer son adversaire ou de mourir. Le jeu nous apprend que la vie se gagne, mais se perd aussi, et dans les règles ! Il faudra trouver quelque moyen de tirer son épingle du jeu, durer le plus longtemps possible. éliminer les concurrents si le jeu le réclame, quitte à dire que les victimes ont été tuées de façon honnête, les règles légitimant alors le meurtre. La règle est établie par ou pour le plus fort... qui gagne.
Rappelons le constat d’Heidegger : l’existence est souci. Dès qu’il s’agit de se divertir, il ne s’agit plus d’exister. Le jeu est un échappatoire à l’angoisse existentielle. Jouer c’est fuir. En toute innocence on se divertit pour oublier la mort, la vraie. Le temps d’une partie.
François HOUSSET www.philovive.fr