Les miroirs voyants: JEAN COCTEAU
Cocteau, oui mais lequel ? Cet homme au profil aigu, anguleux plutôt qu’angélique, possédait tant de doubles qu’il lui arrivait, se croisant de ne pas se reconnaître.
Poète né, il rêvait d’annexer à la poésie tous les moyens d’expression et de création, au point de diviser son œuvre en « Poésie critique », « Poésie de théâtre », « Poésie de roman », « Poésie cinématographique », et, bien sûr, « Poésie graphique », puisqu’il manifestait des dons réels de dessinateur et de décorateur.
Il changeait de peau sans cesse, couleuvre futée ou caméléon condamné à bouger sur un plaid écossais. Max Jacob saluait en lui « une délicatesse d’aiguille », soulignant le piquant de son esprit, vif comme une anguille.
Cocteau courait après une approbation universelle, ce qui le contraignait à s’adapter au goût régnant ; follement intelligent, il s’arrangeait toujours pour faire précéder de quelques secondes ou de quelques centimètres la mode, en train de se faire. Il imitait tout le monde, à commencer (au temps de Maritain) par N.S.J.C fier de détenir les initiales du Messie. Mais le Dieu/Diable qui trônait au zénith de son ciel intérieur n’était autre que PICASSO, le grand Manitou plutôt sourd à la « prière mutilée » du poète :
« La figure de Dieu, de plus en plus illustre
Allait vite, sans dépenser aucune essence. »
L’œuvre graphique de l’auteur de "Thomas l’imposteur" est abondante ; l’artiste, sans doute, l’eût préféré imposante. De même que Cocteau se révèle plus percutant dans l’aphorisme que dans le long texte, il excelle à donner forme au dessin, dont le caractère immédiat, de premier jet, convient à merveille à son tempérament électrique, tout en chatteries et en crêtes de coq. Certaines de ses encres recèlent plus de substance métaphysique que l’ensemble des chapelles qu’il peignit à grand renfort d’échafaudages et de couleurs…
Cocteau peintre ne vaut pas le dessinateur, qui lui-même est inférieur au poète…
d'après Les miroirs voyants de Marc Alyn
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