Les miroirs voyants: JACQUES PREVERT

Publié le par Trèflerèle

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Avec ses ratons laveurs, ses chiens savants et les accents canaille de son orphéon – orgue de barbarie, grosse caisse, accordéon – le cirque Prévert continue de faire recette, vis six ans après la mort de son fondateur. Jacques Prévert le pas très catholique, le ronchonneur au mégot, l’ami du peuple et du pain poilâne, est entré dans la Pléiade avec l’plomb d’un plombier zingueur évoluant sur le dôme du Panthéon. La moitié des écoles de France porte son nom, on le récite dès la maternelle, comme jadis la prière. Sa fraîcheur est telle qu’il est devenu le nouveau La Fontaine, lui qui ne buvait jamais deux gorgées d’eau sans baptiser celle-ci de trois doigts de pastis. .

Vers 1970, Paroles avait atteint le million d’exemplaires vendus ; à la fin du dernier siècle, le tirage frôlait les trois millions ! Sa critique tous azimuts de la société a résisté aux bouleversements de cette société elle-même, qui semblaient devoir la vider de son sens : le jeu de massacre s’exerce désormais sur des cibles plus symboliques que réelles, les personnages suscitant son ire et son rire (la ganache militaire, le prêtre à goupillon…) ne correspondant plus à grand-chose dans notre présent. S’il a perdu de son degré, le gros rouge de Prévert monte encore facilement à la tête ; râpeux il coule à flot sous le rapt des banlieues, constituant souvent, presqu’à lui seul, la culture de ceux qui en sont démunis. C’est un poète oral, dont les textes connurent d’abord la gloire d’être appris par cœur, recopiés, portés par un souffle populaire quasi clandestin avant de briller parmi les stars de la galaxie Gutenberg.

Exemple singulier de triomphe du bouche-à-oreille, cette poésie si peu livresque a su néanmoins s’incorporer au passage maints traits de l’esthétique de l’époque, Prévert le râleur inspiré, a barboté dans les étangs chimériques surréalistes, apprenant à nager sans jamais boire la tasse parmi les poissons solubles et les grands squales de l’inconscient.

Sa force aura été de rester farouchement fidèle à sa propre nature et à un don fabuleux pour la parole vivante, celle qui court les rues, résonne et rayonne dans les cafés du point du jour, accompagnée de gestes et mimiques qui lui confèrent une présence physique exceptionnelle.

« Un hussard de la farce et un dindon de la mort,

Un professeur de porcelaine avec un raccommodeur de philosophie,

Un contrôleur de la Table Ronde avec des chevaliers de la Compagnie du Gaz de Paris

 

Les miroirs voyants de Marc Alyn

Les peintres poètes – les poètes peintres

mes collages sont sur link

 

Publié dans réflexions

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