Les cartes et la loi, l'église

Publié le par Trèflerèle

 

tete-pleine-en-pierre.jpg

 

 

 

Il existe une autre théorie, et il est possible que les premières cartes à jouer aient été d'abord transmises aux Italiens par le biais d'une famille d'Arméniens fuyant leur pays devant l'avance ottomane et la reddition des derniers bastions chrétiens au Levant.

Il semblerait que ces émigrés se soient alors réfugiés à Venise vers 1377. Il est enfin probable qu'il s'agissait d'une famille d'artisans miniaturistes francs, installés en Cilicie (Petite Arménie), au nord d'Antioche, quelques siècles plus tôt et qui ne durent leur appellation "d'Arméniens" qu'à leur provenance géographique. Toujours est-il que l'étymologie du mot "carte" ne pose, elle, aucun problème et vient du latin charta, "feuille de papier, papier", dérivé du grec khartês, "feuille de papyrus". Le nom de ces figures peintes sur des rectangles de papier coïncide aussi avec celui du jeu lui-même, le Naibi. De ce dernier, qui remonte au moins au xnr' siècle, un magnifique exemplaire daté du XVème siècle est conservé au musée Topkapi d'Istanbul. Il est très proche de ceux, légèrement postérieurs, qui apparaissent en Italie par Venise, alors porte de l'Orient. Les mamelouks ne sont probablement pas les inventeurs des cartes à jouer, qu'ils semblent tenir de plus loin à l'est, de Perse et, au-delà, de la Chine.

 

Quoi qu'il en soit, autour de 1400, les cartes à jouer avaient pénétré de larges couches de la population européenne. Les artisans "tailleurs d'images", graveurs sur bois essentiellement d'estampes religieuses, se mirent à produire également les premières cartes à jouer. Les métiers tendant à se spécialiser, des "tailleurs de moules de cartes", graveurs de bois d'impression de cartes à jouer, ne tardèrent pas à apparaître dans les registres des corporations de facteurs d'estampes. Les "Mariengoles", règles de corporation des métiers vénitiens, en attestent dès les années 1430-1440. Les xylographes cartiers prospèrent ensuite à Nuremberg et à Lyon, villes où les arts graphiques sont en plein essor. Limpression étant faite en noir, il conviendra d'ajouter un nouveau métier à ces techniciens de la gravure: celui de "cartier", chargé de colorier au pochoir les dessins aux contours monochromes. Ses statuts sont fixés par l'édit d'Henri III de 1581, confirmés en 1594 sous Henri IV. Enfin, très rapidement, les États vont fixer des taxes sur les cartes à jouer. D'une part pour faire entrer du numéraire dans les caisses et d'autre part afin de contrôler la production et la circulation des jeux et de protéger en quelque sorte les droits d'auteurs. Hasard et divination semblent ne jamais vouloir se disjoindre totalement. Tout empreintes qu'elles sont de la force du hasard, ornées de figures mystérieuses et symboliques, les cartes à jouer vont servir de support à une nouvelle technique de divination qui prend le nom de Tarocco, ce qui est attesté dès 1487. Quant aux cartes d'usage profane, elles reçoivent, à partir de 1530, le nom de Carte da Trionfi. Ces cartes à jouer vont immédiatement séduire les grands de ce monde, qui en possèdent de précieux exemplaires pour se divertir, comme le roi Charles VI en 1392 ou les Visconti-Sforza, vers 1400. Mais l'Église ne sera pas dupe, et, outre la condamnation des jeux de hasard et d'argent, tout d'abord interdits en 1375, par un décret des prieurs de Florence, l'odeur de soufre du "Naibbe" alors très en vogue dans toute l'Europe ne lui échappera pas. En 1423, des cartes à jouer sont brûlées en public à Bologne, puis à Nuremberg en 1452, et enfin par les disciples de Bernardin de Sienne, en 1497 à Florence, sur le célèbre "bûcher des vanités". Les cartes seront apportées en France en 1370, dit-on, par Bertrand Du Guesclin, qui découvrit le Naibi lors de sa campagne d'Italie. Cent ans plus tard, vers 1480, ce sont les Français qui inventent les cartes actuelles affichant les couleurs désormais connues que sont les cœurs, les trèfles, les piques et les carreaux, tandis que les anciennes couleurs perdurent encore dans le tarot et dans les jeux de cartes italiens et espagnols. La complexité du "Naib-be" va le réserver à l'élite intellectuelle de la Renaissance. Pour le divertissement du commun, des formes plus simples de jeux de cartes vont apparaître, essentiellement fondées sur une valeur faciale conventionnelle des cartes et le hasard de leur distribution.

 

 

a suivre

Publié dans réflexions

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
O
<br /> merci pour toutes ces informations qiu nous permettent de voyager dans le temps et  à travers les civilisation<br />
Répondre
F
<br /> intéressant cette histoire sur les cartes<br />
Répondre