Etre pleinement une rose
"Lorsque vous admirez une rose, c’est que déjà vous avez décelé en elle une présence. Et c’est de présence à présence que nous entrons dans la vérité de la rose.
Bien sûr, selon l’expression d’Angelus Silesius, " la rose est sans pourquoi ". Mais je crois que nous devons dégager dans le chaos
de la nature un certain devenir. La rose vient de loin. De très loin. Elle incarne le désir d’éclore qui vient de la profondeur du sol, qui est une promesse posée là depuis l’origine.
Oui, la rose est sans pourquoi.
Il n’empêche que de l’intérieur, elle pousse irrésistiblement, jusqu’à la plénitude de sa forme, propageant à l’infini ses ondes de couleur et de fragrance.
Être pleinement une rose, accomplir son unicité, n’est-ce pas là son pourquoi ?
Et lorsque les pétales retombent, leur chute revivifie le désir originel.
Si nous sommes assez humbles, si nous nous laissons habiter par un esprit de connivence, nous pourrons vivre la rose, depuis la profondeur de son vouloir être jusqu’à l’éclosion et à la chute des pétales.
Si nous sommes assez humbles, c’est-à-dire plus près de l’humus. Toute beauté est transfiguration.
Toute beauté est épiphanie.
En dépit du mal parfois extrême, il y a une direction.
La vie, notre vie, a un sens, aussi minimes et fragiles soyons-nous. Nous sommes là pour déceler et célébrer la beauté."
François Cheng,
Écrivain et traducteur, né en Chine en 1929, vit en France depuis 1948.
la rose: un jardin en Ariège