Célébration des Cailloux

Publié le par Trèflerèle




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Sculpture par Cécile R.


On pourrait dire, d’une façon lapidaire, que le caillou ne se cherche pas : il se trouve, il se rencontre. On ne l’invente qu’à condition d’en être capable.


Un caillou, nous le pressentons déjà, peut être tout ou rien : il est fonction d’une disposition intérieure. Autrement dir : un caillou c’est d’abord un état d’esprit. Pour le trouver, il faut le porter en soi, l’attendre en soi : il faut être prêt à le découvrir. C’est pourquoi il n’y a pas de caillou possible sans une certaine vie intérieure, et pas de caillou sans recueillement.

On ne saurait s’étonner de ce que la plupart des gens ne trouvent pas de cailloux. Coupés de la nature, ils vivent dans un univers si organisé qu’un grain de sable en perturberait l mécanique. La présence insolite d’un tas de pierres libres sur les Champs Elysées entraînerait un déplacement de police, une enquête judiciaire : la civilisation a traqué et chassé le caillou. Les maisons s’édifient en métal et en verre, la pierre de taille devient un luxe.

D’ailleurs, la plupart des gens ne savent plus regarder à leurs pieds, peut être parce qu’ils ne savent plus se conduire. C’est pourquoi les cailloux ne se révèlent qu’aux petits. Où vont les superbes, le caillou ne se rencontre pas. Il exige de la modestie, mais aussi la disponibilité, la réceptivité, la liberté intérieure.

Faites en l’expérience, et vous apprendrez que le caillou ne se laisse pas prendre davantage qu’un gibier ; il est plus habile que vous ne le croyez. Partez un beau matin dans la campagne avec un sac ; il y a gros à parier que vous ne trouverez rien ; on trouve mieux si l’on cherche moins. Quittez par contre votre maison, l’esprit libre, sans trop d’idées préconçues, sans but trop précis, sans sac. N’en doutez pas : ou vous rentrerez les poches pleines, ou vous rencontrerez le caillou de la journée, celui qui l’ouvre et qui la conclut, qui la remplit, l’achève, celui qui vous attendait au détour du chemin, celui qui a dirigé vos pas, qui vous a choisi plus que vous ne l’avez élu.

Lorsque plus tard, vous aurez apprivoisé les pierres, que vous serez le familier des fossés, des tas de cailloux, des carrières, après peut être des années de fréquentation silencieuse et patiente, alors vous pourrez tenter des rencontres systématiques. Vous pourrez même espérer quelque gros gibier, je veux dire par exemple un bel oursin fossilisé, voir un superbe grattoir du paléolithique ou la pointe de flèche qui sera « la » pierre de vos vacances et vous consolera de tous vos déboires. Mais ces satisfactions faciles témoigneront surtout du progrès qu’il vous restera à faire ; dans son dépouillement, dans son absence de sens, dans son apparente inutilité, le simple caillou vous apportera plus tard encore, des gratifications moins sensibles, mais combien plus essentielles….


Extrait de Célébration des Cailloux de Robert Olivaux aux éditions Robert Morel

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J
<br /> très beau texte qui me rappelle de belles journées avec des trouvailles extraordinaires qui venaient seules, des cailloux magnifiques et d'autres plus tristes ou je cherchai le galet qui jamais<br /> n'arrivait !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Merci pour ces très beaux textes.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> LE galet: toujours à la recherche du galet parfait où que j'aille j'en ramène un ou deux, jamais trouvé le parfait aux courbes sans fin, aux couleurs chatoyantes; toujours en quête<br /> BIZ "beurre salé"<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Très jolie sculpture.<br /> J'adore ramasser des cailloux, ou les photographier, ou bien les semer comme le Petit Poucet...<br /> Beau diMAnche,<br /> eMmA<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Je vais transmettre ton commentaire à mon amie Cécile qui fait des merveilles avec ses découvertes.<br /> <br /> <br />