Comment aimer un enfant

Publié le par Trèflerèle

 

" Petit veut toujours dire : banal, dépourvu d’intérêt. Petites gens, petites besoins, petites joies, petites tristesses. Il n’y a que le grand pour nous en imposer : grandes villes, hautes montagnes, arbres majestueux. Nous disons une grande œuvre, un grand homme…un enfant c’est si petit, si léger, si peu de choses, si faible aussi. On peut le soulever, le projeter en l’air, le faire asseoir contre son gré, lui dire d’arrêter de courir, anéantir à chaque instant le moindre de ses efforts…

Nous disons : t’en vas pas, touche pas, pousse toi, rends le et l’enfant sait qu’il lui faut obéir. Avant d’en arriver là, que de fois n’a-t-il pas protesté, toujours en vain ? Le voila à présent soumis, résigné.

Qui pourrait traiter de la sorte un adulte ? Il faudrait que les circonstances soient exceptionnelles pour que celui-ci soit brusqué, poussé, rué de coups. Alors qu’il nous semble naturel et innocent de donner une claque à l’enfant, de lui saisir la main pour qu’il nous suive docilement, de le serrer brutalement dans nos bras…c’est notre propre exemple qui apprend à l’enfant à mépriser tout ce qui est faible…

Un bon principe laissons l’enfant commettre tranquillement ses « péchés ».Ne cherchons pas à prévenir chacun de ses gestes : ne lui indiquons pas son chemin, à la moindre de ses tentations, n’accourons pas à l’aide lors de son plus léger trébuchement.

N’oublions pas : nous pouvons ne plus être là au moment où il aura à livrer ses plus durs combats. Laissons le pécher.

Que sa volonté toute fragile se mesure avec la force de ses passions, qu’il y succombe souvent : c’est dans ses escarmouches avec sa propre conscience que doit s’exercer et croître sa résistance morale.

Laissons le pécher.

Celui qui ne s’égare pas dans son enfance, qui surveillé et protégé, n’apprend à s’empoigner avec la tentation sera un jour un être moralement passif, l’un de ceux dont la probité ne tient qu’au manque d’occasions de pécher, et non à la force de freins moraux. Laissez les errer, et chercher eux-mêmes le droit chemin. Ils ont besoin de rire, de courir, de faire mille bêtises. Si pour toi la vie ressemble à un cimetière, permets-leur d’y voir un pré. Même si tu as déposé le bilan de ton bonheur terrestre ou revêtu le cilice du sacrifice, tache de faire un effort pour lui offrir un sourire d’indulgence.

Ici, à tout prix, doit régner le climat de tolérance à l’égard de tous les péchés de l’enfance. Ici pas de place pour la forte rigueur, l’autorité de pierre, la logique inflexible, la conviction immuable.

Ton devoir est d’élever des hommes, pas des brutes, des travailleurs, pas des sermonneurs, leur bonne santé physique et morale doit être le premier de tes soucis."

Janusz KORCZAK Pédiatre, écrivain, éducateur, Pédagogue éclairé et innovant, précurseur des droits actifs de l'enfant. 1878/1942

 

Publié dans réflexions

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D
Et puis quand ils sont grands, ils sont encore nos "petits"
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