Le papier journal: son obsession
Cet homme a un rituel, chaque fois qu'il a lu un livre il l'emballe dans du papier journal vierge...
" L'objet le plus permanent chez moi depuis vingt ans, si l'on peut parler d'objet, c'est ce papier journal. Je garde ces feuilles depuis mon passage au Musée de la mode de Marseille.
Léon couturier du Musée en avait récupéré une grande quantité appartenant au quotidien La Provence. Depuis lors je m'en sers pour emballer les livres, tous les livres. Je ne le faisais pas avant mon passage à Marseille. Je n'avais pas beaucoup de livres non plus. A mon retour à Paris, chargé de nombreux ouvrages, j'ai continué à m'y astreindre comme un devoir, un rituel.
Au début, je ne mettais pas d'étiquette. J'aimais l'idée du livre anonyme. Ainsi pour dénicher un ouvrage, il fallait forcément en ouvrir plusieurs, aller de l'un à l'autre et redécouvrir des choses. Ne pas forcément trouver ce que je voulais au départ. L'autre aspect important pour moi est la couleur de ce papier. Il jaunit en vieillissant à force d'être exposé à la lumière c
penser à une installation car le livre est à la fois l'objet le plus conceptuel et le plus primaire. C'est de la sculpture, de la peinture. On peut réaliser un livre avec une feuille de papier et un crayon. Trois fois rien. Or mon univers professionnel est rempli de vêtements très colorés. L'ensemble est très habité, voire morbide. Quand je rentre chez moi, j'ai besoin de retrouver un espace unifié, plus blanc, plus calme. Honnêtement, c'est aussi de la maniaquerie. Tout dans ma vie obéit à une méthode, un rituel. Quand j'aime un restaurant, j'y vais tous les jours et je commande le même menu. Je demande à tous mes collaborateurs d'écrire leurs e-mails en Times corps 11. Pour l'organisation des nombreux projets que je mène, je fais des boîtes, des pochettes, des chemises, des sous-chemises, des étiquettes etc.....toujours identiques. Je serai bientôt à court de ce beau papier journal mais je suis rassuré, j'ai pu en commander.
Olivier Saillard
propos recueillis par Jérôme Badie pour le magazine le Monde du 15 mars 2014